Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/251

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raison, mon courage, le mobile de toutes mes actions, et que je suis sans force contre ta douleur.

— Eh ! quelle douleur tiendrait contre tant d’amour ? dit la duchesse avec exaltation ; non, je suis heureuse… heureuse d’un bonheur qui passe toutes mes espérances ; je vois ma faiblesse justifiée, mes oracles accomplis. Louis se fait adorer de son peuple ; et l’on me pardonne de l’adorer aussi… J’entends les acclamations de toute la France, j’en suis fière : je les paierais de mon sang, car c’est la gloire de Louis, son bonheur, que je veux avant tout. Qu’importent ces regrets d’une présence chérie, cs pleurs donnés à des moments d’une joie céleste ? Cette présence, cette joie, me seront plus douces encore au retour, quand je reverrai cette tête si belle, parée des lauriers qui l’attendent ; quand j’entendrai cette voix si chère m’appeler à partager son triomphe, me remercier de sa gloire ! non, tant que Louis m’aimera, je serai heureuse !

Les plus sincères, les plus vives assurances d’amour répondirent à cette exclamation.

Louis XV prit le bras de madame de Châteauroux, et ils parcoururent ensemble ce charmant parc où l’on n’avait pas moins prodigué les embellissements que dans le château. Arrivés à la grille qui donne sur la route de Juvisy, ils aperçurent un peuplier planté du matin, et couvert de guirlandes de fleurs et de rubans blancs qui flottaient au vent, enfin de tous les attributs qui parent d’ordinaire ce qu’on appelle un Mai. Celui-ci était de plus orné de devises écrites en grosses lettres sur de petits drapeaux, et toutes en l’honneur du roi. Quelques jeunes gens du village aidaient un petit paysan, juché tout en haut de l’arbre à attacher le bout des guirlandes aux lances de la grille.

— Et les prix, dit le roi, tu les oublies… Eh bien, je m’en charge ; nous voulons que la fête du premier de mai soit complète. Voyons, ajouta-t-il eu s’adressant aux jeunes gens, quel est le plus amoureux de vous tous ?

— Moi, moi ! s’écrièrent-ils tous ensemble.

— Voilà ce que vos fiancées peuvent seules décider, reprit le roi en riant ; allez leur dire de se rendre chez M. le bailli, si la mieux aimée mérite de l’être, nous la marierons aujourd’hui même.