Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Brancas : si vous allez prendre congé de la reine, on dira que c’est pour la narguer.

— Quelle idée ! s’écria madame de Châteauroux.

Et, dans L’incertitude de savoir lequel de ces deux partis elle devait suivre, elle prit relui qui lui coulait le plus, tant on a l’habitude de supposer que ce qui déplait doit être le plus sage.

Il est des situations où quelque chose qu’on fasse, on ne saurait éviter le blâme. La reine, quoique n’étant plus soutenue par la présence du roi, reçut madame de Chateauroux avec tant de bonté, qu’elle en fut embarrassé ; mais madame de Luynes et madame de Fodoas ne cachèrent point leur prétendue indignation, et leurs paroles injurieuses arrivèrent jusqu’à la duchesse de Châteauroux. Peu lui importait ; une seule idée captivait sou esprit, elle allait voir le roi, et c’est à l’armée qu’elle allait le rejoindre !

Elle et sa sœur partirent, la nuit du 8 juin de Plaisance, dans une gondole à six places, avec madame et mademoiselle de Bellefond. Partout des relais se trouvaient prêts sur la route jusqu’à Lille ; elles précédèrent d’un jour seulement la princesse de Conti, la duchesse de Chartres et la duchesse de Modène.

Plusieurs personnes murmurèrent contre l’arrivée de ces dames, particulièrement les officiers qui avaient quitté leurs femmes et leurs maîtresses pour servir le roi à l’armée. Mais celui qui blâma le plus haut cette démarche, ce fut le duc de Fitz-James, évêque de Soissons ; l’austérité, l’emportement de sou caractère, ne lui permettaient point de cacher ses sentiments : soit conviction, soit jalousie du pouvoir, ou sainte haine contre la personne qu’il regardait comme le plus grand obstacle au salut du roi, il nourrissait contre madame de Châteauroux un de ces ressentiments de prêtre La constance ne pouvait se comparer qu’à celle de sa vertu sévère et de son intolérance religieuse.

À la dernière poste avant Lille, madame de Châteauroux trouva le duc de Richelieu et M. de Meuse, envoyés tous deux au devant d’elle par le roi pour la conduire dans le logement que lui avait préparé le comte de la Suse, le grand maréchal des logis.

Ce fut un grand plaisir pour elle de revoir ses amis ; de leur entendre raconter les succès du roi, et les témoignages