Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/326

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pour vous, je désire ne pas m’en séparer… même après que cette montre vous aura dit l’heure de ma mort.

» Vous aimiez mes cheveux… les voilà… c’est tout ce qui restera bientôt de moi… de moi qui n’aurai passé sur la terre que le temps de vous adorer.

» La vérité ! comment vous parviendra-t-elle maintenant ?… Il faut tant aimer pour oser la dire à un roi !!!… Ah ! cela seul me répond de vos regrets !… ils seront vifs et profonds, je le sais… ma main est encore baignée des pleurs que vous donniez hier à ma lente et cruelle agonie… Ces regrets sont ma gloire, ma consolation… mais la douleur d’un souverain doit céder à ses devoirs… pensez à la France, Louis, à tout ce qu’elle attend de vous…

» Rappelez-vous ces longs entretiens où vous me permettiez de plaider sa cause contre vos ennemis et les siens… Ah ! mon souvenir est uni à sa renommée ; ne les séparez pas… dites-vous souvent, cher Louis… Marianne est là ; son regard me suit dans les camps, au conseil… au milieu de ce peuple dont les acclamations font tressaillir sa tombe… Son âme errante est partout où le devoir m’appelle, partout où le danger menace, elle prie en tous lieux, et toujours elle demande au ciel la prospérité de son pays, le salut de son roi… Ah ! Louis, pensez à la France… pour ne… m’oublier… jamais…

» Adieu… mes yeux… se troublent… je ne puis plus… permettez-moi… de… »

— Un dernier spasme l’a empêchée de continuer, dit M. Duverney en voyant le roi accablé, le regard fixé sur la fin de cette lettre, écrite sans suite, dans les intervalles d’un accès de convulsions à un autre. Alors, se rappelant qu’on ne soulage une douleur poignante qu’en parlant de ce qui la cause, il raconte les moindres particularités de la mort de madame de Châteauroux… « C’est aujourd’hui une des fêtes de la Vierge ? a-t-elle dit en voyant les premiers rayons du jour pénétrer dans sa chambre… Bénie soit la puissance qui exauce mes vœux ! »

— Chacun de nous se rappela en tremblant sa constante prière à la Vierge, continua-t-il. Elle semblait plus calme à l’idée de mourir un jour consacré à sa sainte protectrice. Cette faveur du ciel affermit son espérance, et fut probablement le soutien de son courage dans ses derniers moments ; car nulle plainte ne s’exhala de son sein déchiré