Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/39

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» — Votre fils a fait une grande faute, madame, a dit le roi.

» — Cela est vrai, sire, a-t-elle répondu, c’est pourquoi je viens supplier Votre Majesté de lui faire grâce.

» — J’ai envoyé mes ordres à Maillebois.

» Alors mademoiselle de la Roche-sur-Yon, qui était présente, a essayé quelques mots en faveur du prince, elle a vanté son zèle. Le roi a dit : « Il a montré beaucoup trop de zèle. » Puis la princesse n’a rien obtenu de plus. On dit qu’elle a si bien intéressé tous les princes au sort de son fils, qu’ils viennent d’adresser des réclamations au roi et qu’ils menacent d’en faire autant que le prince de Conti[1], si on persiste à le punir.

— Voilà où nous mènent les petites haines de ce bon cardinal, dit M. de Chavigny d’un ton ironique : il a déjà éloigné des affaires tous ceux qui en avaient le génie ; il ne lui manquait plus que de chasser de l’armée ceux qui savent bien se battre et commander. Avec de semblables mesures, vous verrez où nous mènera cette belle guerre de Bohême. Voici déjà l’Angleterre qui se déclare pour Marie-Thérèse : on fait des souscriptions pour elle. C’est la veuve du grand Marlborough qui monte la tête de toutes les vieilles ladies en faveur de la belliqueuse reine ; elles lui ont déjà offert cent mille livres sterling ; mais le parlement se promet de lui en faire accepter bien davantage. Ainsi nous voilà obligés de combattre contre les troupes de l’Autriche et l’argent de l’Angleterre, tout cela pour la gloriole de mettre la couronne impériale sur le front d’un prince bavarois dont nous ne nous soucions pas le moins du monde. En vérité, quand on prévoit où ce ministère nous conduit, on frémit pour la France.

— Mais si vous disiez tout cela à la reine, peut-être l’effroi d’un sort affreux la déterminerait-elle à éclairer le roi sur le mérite qu’il suppose au cardinal.

— Ah ! madame, vous connaissez bien peu l’impuissance

  1. La princesse, ne sachant plus qu’imaginer, envoya à Versailles le jeune comte de Lamarche, en priant le cardinal de Fleury de le présenter au roi : on avait fait apprendre par cœur à cet enfant ces mots : « Sire, pardonnez à mon papa. » Le roi, touché de sa grâce, dit : « Il faudra bien vous accorder ce que vous demandez. » Puis il l’embrassa. Le prince de Conti servit ensuite comme volontaire, (Vie de Louis XV, tome II.)