Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/97

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fanfares, l’arrivée du roi. Un cercle de femmes brillantes paie déjà le salon que doit honorer la royale présence ; un seul fauteuil, placé entre la princesse de Conti et la comtesse de Toulouse, montre qui l’on attend ; de l’autre côté du salon sont assises la marquise de Mirepoix, la duchesse de Brancas et la marquise de la Tournelle ; toutes trois, en qualité d’amies de M. Duverney, sont chargées, ce jour-là, de faire les honneurs de sa maison. Ce public d’élite éprouve toutes les émotions d’un parterre impatient de juger ce qui va se passer sur la scène ; est-ce une déclaration, une rupture, un raccommodement qu’on va voir ? qui jouera le beau rôle ? sur quoi portera l’intérêt ou la critique ?

Les traits altérés, l’air abattu de madame de la Tournelle, font conjecturer qu’elle n’attend rien de bon de cette visite, qu’elle redoute même les témoignages d’un dédain mérité, pour avoir fait la bégueule, comme le disait tout net la duchesse de Boufflers. On se demande laquelle de toutes ces jolies femmes attirera les regards, les attentions du roi, et servira le mieux à punir madame de la Tournelle.

On entend du bruit, les chuchotages cessent, les accents de plusieurs voix rompent le silence de l’attente dans les salles qui précèdent le salon.

— Est-ce lui ? pense madame de la Tournelle.

Et sa respiration s’arrête, ses yeux se voilent d’un nuage ; elle frémit de succomber à l’émotion qui l’étouffé, qui l’aveugle. Mais elle écoute encore, et ce n’est pas sa voix… Ah ! jamais le duc de Richelieu, dans le temps de ses plus beaux triomphes, n’a causé plus de trouble et de joie. C’était le duc de Richelieu.

— Je viens, dit-il, vous rassurer, mesdames ; le bruit s’est un moment répandu que le roi, trop fatigué de la chasse, allait retourner sur-le-champ à Versailles. En effet, je ne sais trop ce que le comte de Coigny est venu lui dire, pour lui donner une minute cette idée ; mais il l’a bien lot abandonnée ; et, lors même qu’il serait un peu souffrant, je suis bien certain qu’il en perdra le souvenir au milieu de tout ce que je vois ici.

Ces derniers mots furent presque adressés à madame de la Tournelle ; puis, se rapprochant davantage :

— Mais c’est vous qui êtes souffrante, ajouta-t-il, frappé de l’altération qu’on voyait dans les traits de madame de la