XIX
UNE FÊTE IMPROVISÉE
Dès les premiers accords de la cantate chantée par mademoiselle Fel et les meilleurs acteurs de l’Opéra, toutes les femmes se levèrent. Louis XV entra ; il parut comme ébloui de L’éclat des femmes et des fleurs qui ornaient l’élégant salon ; il en témoignait son admiration à madame de Mirepoix et à la duchesse de Brancas, qui étaient venues au-devant de lui en qualité de dames des cérémonies, lorsqu’il aperçut madame de la Tournelle, qui se cachait derrière la marquise de Mirepoix en répétant machinalement les saluts qu’elle lui voyait faire, et presque tous les mots que la marquise répondait au roi.
À cette vue, la figure de Louis XV prit une expression ravissante de reconnaissance et d’amour ; il resta quelques instants comme absorbé sous le poids d’un bonheur inespéré ; et madame de Mirepoix fut obligée de lui montrer le fauteuil qui l’attendait auprès des princesses du sang pour le sortir de son immobilité, de son extase. Il s’approcha d’elles, leur adressa quelques mots affectueux : mais tout cela sans cesser d’attacher son regard sur madame de la Tournelle ; il lui semblait retrouver un trésor perdu, une illusion céleste, la vie de son cœur enfin, et il ne pensait pas même à cacher sa joie, tant son âme en était enivrée.
Après des hommages reçus avec bienveillance, des compliments adressés à l’amphitryon Duverney, le roi lui témoigna le désir de se promener dans les serres : c’était le but apparent de sa visite, et le moment impatiemment attendu par tontes les femmes : car le roi ne manquerait pas d’offrir son bras à l’une d’elles pour l’accompagner dans cette promenade, et l’on peut se figurer la curiosité, la jalousie que devait inspirer cette faveur insigne.
On blâme à tort l’importance que les courtisans attachent aux moindres démarches des princes. Ce sont les petites actions qui trahissent les grands sentiments : et le valet de