Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bre noir que j’ai aperçue en face du tombeau de Henri : elle y avait été transportée et posée le matin. J’ai pensé que c’était un monument que Frédéric avait consacré à l’amour fraternel. Les armes de son frère y étaient attachées ; elles fournirent à l’abbé une réflexion à la fois noble et touchante, dans l’oraison funèbre qu’il a prononcée. « Celui qui mourut, a-t-il dit, si glorieusement pour sa patrie, doit vivre éternellement dans le souvenir de ceux qu’il a défendus. La France honore sa valeur et nos regrets attestent ses vertus. » Je n’en ai point entendu davantage ; mon émotion a surpassé mes forces, et je suis tombée sans mouvement sur les marches du tombeau. J’étais dans mon lit lorsque je revins à moi ; chacun s’empressait à me donner des secours, je n’avais besoin que de repos, et je demandai à être seule.

La nuit m’a paru d’une longueur extrême ; je n’ai pas dormi un instant ; et ce matin Lise est venue me faire un récit si étrange, que je me suis levée pour l’aller vérifier.

— Vous savez bien, madame, m’a-t-elle dit, que vous avez remis à Pierre la clé qui ferme la grille de l’île ; hier, après que tout le monde en a été sorti, il a mis cette clé dans sa poche et l’y a toujours gardée. Quand il est allé tout à l’heure pour arroser les plantes qui entourent le tombeau, il a aperçu deux