Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/109

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d’approbation, dont elle parut très-reconnaissante ; je conclus de tout cela qu’elle lui avait confessé son amour pour sir James, et que l’abbé s’était servi du pouvoir de la religion pour la guérir d’une passion malheureuse. S’il use avec modération du remède, il aura bien fait ; mais s’il remplace un sentiment que sa raison et surtout le manque d’espoir auraient bientôt détruit, par l’intolérance et l’insensibilité, il aura causé un malheur irréparable.

Malgré les représentations de sa mère, Frédéric est plus souvent à D*** qu’à Varannes. C’est bien certainement pour moi qu’il lui désobéit, et je suis bien aise de m’éloigner du château pour le forcer à y rester. Sa conduite envers moi est toujours respectueuse ; mais il est facile de remarquer la contrainte qu’il se fait pour dissimuler ce qui l’occupe le plus. Madame de Gercourt, dont la pénétration égale l’esprit, a deviné sans peine son secret : je m’en suis aperçue à la manière dont elle lui a parlé du changement subit de son caractère, qui, en effet, est beaucoup plus sérieux qu’autrefois. Enchantée d’avoir fait cette découverte, elle veut y ajouter la connaissance de tout ce qui me concerne ; et je suis fort aise d’échapper à ses regards curieux : ce n’est pas que je les redoute ; mais la certitude d’être observée dans toutes mes actions, et de les voir souvent mal interprétées, me gêne d’une manière insupportable.