Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur l’éducation ; l’amour maternel est l’unique amour dont elles doivent parler. Il est vrai qu’à cet âge il est possible d’avoir oublié tous les autres ; et, si je t’en crois, madame de Gercourt s’est privée par cette loi du plaisir de se retracer un grand nombre de souvenirs. Tu vois, ma chère amie, que je reviens un peu de l’estime que je croyais lui devoir, d’après tous les éloges que ma belle-mère m’en avait faits. Depuis plus de deux mois que je vis avec elle, je me suis aperçue que son cœur n’était pas franc ; l’affectation qu’elle met à parler vertu, prouve qu’elle la regarde comme une chose presque surnaturelle, et ce n’est pas ainsi que la vertu paraît aux gens habitués à la pratiquer. L’esprit de madame de Gercourt suffirait pour rendre sa conversation agréable ; mais elle en détruit le charme par trop de pédantisme. Je voudrais connaître ses deux filles, pour juger du fruit qu’elles ont retiré de l’excellente éducation qu’elle prétend leur avoir donnée ; car, il faut lui rendre justice, elles sont, après la morale, le sujet le plus habituel de ses entretiens, et je ne doute pas qu’elles ne soient des modèles de candeur et de chasteté.

L’abbé de Cérignan doit passer l’hiver au château (j’ai appris cette nouvelle avec un peu d’humeur) : me voilà condamnée à dîner chaque jour avec une prude et un homme assez aimable, à la vérité, mais