Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/117

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bonbons et lui fit plusieurs questions qui me parurent singulières surtout celle-ci ;

« — Je suis sûre qu’une petite fille aussi bien élevée que vous ne manque pas tous les soirs à faire sa prière.

« — Moi, madame, a répondu l’enfant, je ne sais pas ce que c’est que des prières.

« — Comment ! ma chère, reprit madame de Gercour, vous ne savez donc pas qu’on ne devient sage que par la grâce du bon Dieu, et qu’il faut le prier pour obtenir de lui de n’être pas méchante, car les méchants vont en enfer !

— La petite a demandé ce que c’était que l’enfer, et madame de Gercourt lui en a fait une peinture si épouvantable, que l’enfant ne m’a plus parlé d’autres choses.

Conçois-tu, ma chère Juliette qu’une femme qui se mêle de faire des éducations, et de les donner pour modèles, commence par inspirer à ses élèves la crainte d’un Dieu, avant de leur en avoir fait connaître la clémence et la bonté. Ignore-t-elle les suites inévitables d’une semblable erreur ?

« Le grand mal des images difformes de la divinité qu’on trace dans l’esprit des enfants, est qu’elles y restent toute leur vie et qu’ils ne conçoivent plus, étant hommes, d’autre Dieu que celui des enfants. »

L’observation la plus juste a fourni à J.-J. Rous-