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montré et décrit son salon à Aix-la-Chapelle, pendant un voyage qu’y fit Joséphine en revenant des eaux de Plombières, dans l’été de 1804. L’empereur vint lui-même du camp de Boulogne, où il était alors, faire une apparition dans la ville de Charlemagne. M. Gay réclama l’honneur de loger M. Maret (depuis duc de Bassano). Ce premier commis impérial, laborieux, infatigable, donnait chaque nuit, après les représentations du jour, un certain nombre d’heures au travail ; mais il trouvait là des veilleurs encore plus infatigables et plus intrépides que lui :

« Lorsque vers deux heures du matin, dit madame Gay, après en avoir donné trois ou quatre au travail, il entendait parler encore dans mon salon, nous voyions s’entr’ouvrir la porte de son cabinet, et il nous demandait s’il n’était pas trop tard pour qu’il vînt causer avec nous. Il me surprenait alors au milieu de ce qu’il appelait mon état-major : c’était un cercle de bons rieurs, de causeurs spirituels, d’artistes, où les aides de camp étaient en majorité. »

Elle nous y parle du jeu, qui se mêlait très-bien, assure-t-elle, à la causerie, et qui, tout follement engagé qu’il était, n’était point acharné alors comme aujourd’hui, et ne laissait perdre ni un récit amusant ni un bon mot. Elle se dessine là comme elle restera de tout temps. J’ai lu d’elle de très-spirituels et très-mordants couplets de cette époque, et qui emportaient la pièce, sur des ennuyeux et des ennuyeuses qui n’étaient pas de son monde : on ne les disait que portes closes. Mais elle composait aussi, en ces années, des romances sentimentales très-agréables, que chacun savait par cœur et qu’on applaudissait. Celle de Mœris, qui est d’elle, air et paroles, a eu bien de la vogue :

      Mais d’où me vient tant de langueur ?
   Qui peut causer le chagrin que j’ignore ?

   

. . . . . . . . . .


      Quoi ! ces bosquets, ces prés fleuris,
   Dont j’aimais tant la fraîcheur, le silence,
      Ces chants d’amour, de jeux suivis,
   Tous ces plaisirs n’étaient que sa présence !…