Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/120

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toute sa politesse de cour ne lui donnait pas la dissimulation nécessaire pour cacher son mécontentement. L’abbé, moins réservé qu’elle, me fit observer que dans ce plan je ne parlais point du sujet le plus important : de la religion !

Ma fille, lui ai-je dit, n’entendra parler de religion qu’au moment où elle sera en état d’en comprendre la morale. Avant, son imagination confondrait les objets, les mystères exciteraient sa curiosité, les miracles son admiration, et le fruit de cette connaissance serait nul pour sa raison ; j’attendrai qu’elle en soit digne pour l’en instruire.

Il serait trop long de te répéter tout que ce que cette franchise m’a attiré d’épigrammes, et par combien de sophismes et d’absurdités deux personnes d’esprit y ont répondu. La querelle était engagée et je soutins courageusement le combat. Madame de Gercourt mit de côté toute la retenue qui la gênait depuis longtemps, et trancha en despote : elle entremêla ma satire dans celle de deux femmes d’un grand mérite, dont les opinions ont quelques rapports avec les miennes. Je me trouvais trop flattée du parallèle, pour me fâcher de la critique, bien qu’elle ne la ménageât pas. L’une de ces femmes, dit-elle, est un de ces esprits forts, dont les idées gigantesques et embrouillées sont aussi inintelligibles que dépourvues de justesse. La seconde, d’un esprit plus