Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/148

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de guérir son amour ; j’ai presque envie d’en parler à Lucie, ses conseils le ramèneraient à la raison, et j’éprouverais une certaine félicité à lui sauver des regrets plus douloureux encore que ses peines actuelles. Cependant il pourrait m’en vouloir de trahir son secret, et après tout ce qu’il m’a dit de son amitié pour moi, je me croirais ingrate en l’offensant de cette manière. Je sens que je n’aurais pas le courage de braver son ressentiment, lors même qu’il le faudrait pour son intérêt. Ne vas pas croire que je m’aveugle sur la faiblesse de ce sentiment, il est le fruit de l’égoïsme ; car si l’estime et la bienveillance de sir James ne m’étaient pas plus chères que son bonheur, je ne penserais point ainsi ; je sais que cette considération est coupable, et toutefois je ne saurais la surmonter.

J’ai commencé le portrait de Lucie. Elle me dit, il y a quelques jours, qu’elle regrettait de n’avoir pas fait faire, pendant son séjour à Paris, une copie de celui qu’à M. de Savinie, pour le donner à son frère le jour de sa fête. Heureuse de faire une chose agréable pour elle, je lui proposai de l’entreprendre, en lui faisant promettre de le jeter au feu si je ne réussissais pas à le peindre d’une manière passable. Elle a accepté cette convention ; je vais m’appliquer à la ressemblance, elle se fait déjà remarquer, et si je parviens à la rendre parfaite, jamais ouvrage ne