Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/253

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— Je vous afflige, reprit-il, je suis un monstre, et si la pitié vous engage à me pardonner, la justice veut que j’expie ma faute.

En achevant ces mots, il me quitta.

Il a juré de ne jamais former le projet de s’unir à moi, répétai-je en me voyant seule ! voilà l’arrêt du destin de ma vie !… mais si son cœur avait violé cet affreux serment ?… s’il m’aimait ?… Ah ! je consentirais sans peine à sa résolution ! tout ce que j’ai vu d’inexplicable dans sa conduite est peut-être une suite de la violence qu’il se fait pour cacher son amour !… Peut-être a-t-il cru voir dans le portrait de Henri celui de Frédéric ? cela aura causé son erreur et sa fuite. S’il était vrai !… il serait jaloux, et je ne serais point à plaindre, car être aimé de lui est le seul bonheur où j’aspire… Mais, que penses-tu de cette promesse ? de la fureur de Frédéric ?… et qu’en pensai-je moi-même ? hélas ! je n’en sais rien… Mon âme, froissée par tant de sensations différentes, ne laisse pas à mon esprit la faculté de se reconnaître… Depuis un certain temps, chaque événement m’afflige ou me laisse dans une incertitude cruelle, et je ne sais quel sinistre pressentiment m’inspire la crainte de la voir cesser. Je te l’ai dit souvent, Juliette, ta Laure n’est pas née pour le bonheur. Puisse son Emma jouir d’un sort plus heureux !