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LXI


Viens à mon secours, Juliette, viens m’aider à supporter ma joie et ma douleur !… ces deux sentiments se partagent mon âme, et rien n’égale le trouble qu’ils y font naître… Ce matin le bonheur me semblait impossible… je désirais la mort… tout a changé pour moi… écoute :

Après avoir longtemps erré sur les bords de la mer, épuisée de douleur, mais cherchant partout à l’accroître en m’approchant des lieux remplis d’une image si chère, j’entrai dans ce bois où pour la première fois je me sentis pressée contre son cœur. Là, je m’assis à la même place, et fixant les yeux sur celle qu’il avait occupée, je crus l’y revoir encore. Dans cet excès de délire, je tirai de mon sein la lettre qu’il m’écrivit, lorsqu’il s’éloigna pour sauver les jours de mon enfant, je la relus en m’adressant au ciel :

Ô toi, m’écriai-je, dont la volonté suprême s’oppose à tous mes vœux ! détruis donc l’amour qu’il t’a plu d’allumer dans mon cœur !… éteins le feu qui me dévore ! ôte-moi, s’il se peut, jusqu’au sou-