Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/36

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est parfaitement selon mon goût. Je crois avoir bien fait en me rendant aux instances de la famille d’Estell, je ne pouvais choisir un asile plus respectable. Que serais-je devenue ! Orpheline et veuve à vingt ans, avec une fortune considérable, dans un monde où la conduite la plus austère ne défend pas des atteintes de la calomnie. J’avais déjà peine à supporter le bruit de ces plaisirs, lorsque Henri m’engageait à les goûter, lorsqu’il me conduisait lui-même à ces fêtes brillantes où mon amour-propre n’était flatté des suffrages que j’obtenais, qu’en raison de la satisfaction qu’ils lui faisaient éprouver : à présent ils seraient pour moi de vrais supplices ; je ne puis plus trouver de bonheur qu’en assurant celui de la famille de Henri. Je crois t’avoir dit que son père ayant dissipé une grande partie de sa fortune, vendit, peu de temps avant sa mort, la terre d’Estell, dont le revenu surpassait de beaucoup celui de la terre de Varannes. La somme qu’il en retira ne suffit pas pour acquitter ses dettes, et madame de Varannes fut obligée de se retirer ici, avec ses enfants, pour y vivre plus économiquement. L’époque de mon mariage fut heureuse pour elle : elle apprit avec plaisir que mon père s’empressant de donner à sa fille un époux digne d’elle, et cédant un peu au sentiment de vanité que lui inspirait le titre de marquise, n’avait point cru devoir regarder au peu de