Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/84

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clairement avec lui, je croirais à cette gaîté qu’il s’imagine être l’homme le plus heureux du monde. Il passe ses matinées à faire de la musique, il compose, et tout cela pour nos concerts. Cette occupation prouve assez qu’il n’est tourmenté d’aucune peine. Caroline est moins heureuse ; ce que je lui ai dit du père de sir James lui a ôté tout espoir, et la pauvre petite est vraiment à plaindre : le départ de sir James va la désespérer, mais je le regarde comme le seul remède à ses maux. L’absence opérera peut-être sa guérison ; si elle n’y réussit pas, je tâcherai de lui faire faire un voyage à Paris, et je te chargerai du soin de la distraire. Il est clair que sir James n’a qu’un très-léger penchant pour elle. Ce que je t’ai dit ne donne pas l’espoir de le voir se changer en amour, et de toute façon il est nécessaire de détruire dans le cœur de Caroline une illusion qui doit toujours s’évanouir.

Je dîne aujourd’hui chez Lucie, Emma me presse de partir ; elle ne veut pas perdre un des instants qu’elle doit passer avec Jenny, et je te quitte pour céder à son désir. Madame de Savinie est souffrante ; j’avais oublié de te dire qu’elle est enceinte, ce qui lui donne un air plus intéressant. On ne saurait trop désirer voir accroître sa famille ; ce sont des enfants qui naissent au bonheur ; que ne puis-je en dire autant de mon Emma ! Adieu.