faillit l’abandonner ; à peine eut-elle la force d’adresser au duc quelques questions sur ce que pensait le docteur Corona sur l’état du comte, et son trouble n’aurait point échappé à l’observation de Sosthène, si dans sa véhémence à peindre l’inquiétude qui le dévorait, il eût été capable de s’occuper d’autre chose. En vain son père disait à la comtesse :
— N’en croyez pas sa terreur, Adalbert n’est pas aussi mal qu’on le dit, les convulsions ont cessé…
— Mais la fièvre continue, répondit Sosthène, et moi qui l’ai veillé toute cette nuit, je sais que le délire ne l’a pas quitté.
— Ah ! mon Dieu ! s’écria Clotilde avec effroi.
— Oui, le délire le plus cruel à supporter, le plus pénible à voir. Celui d’un criminel déchiré de remords, ayant sans cesse devant les yeux sa victime adorée, l’accablant tour à tour de tendresses, de menaces, de supplications et d’injures, voulant tuer tous ceux dont elle est aimée, puis se frapper lui-même.
— Qu’est-ce que cela prouve ? dit le duc, que la princesse lui a donné quelque sujet d’alarme.
— Ah ! la pauvre femme n’y pense guère, je vous l’affirme, si vous la voyiez elle vous ferait