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Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/120

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nouveau, où, sans jouer le rôle principal, il était toujours cité, soit par la part qu’il y avait prise, soit par la manière dont il s’en était moqué ; s’il n’avait employé que ce dernier moyen pour se rappeler au souvenir de Mathilde, il n’aurait pas si souvent régné dans sa pensée. Mais pendant que chacun admirait son audace, riait de ses folies, et le croyait entièrement distrait du sentiment qu’il avait affiché quelques jours pour la duchesse de Lisieux, il saisissait avec empressement les occasions de lui prouver que ce sentiment l’occupait toujours, et de lui persuader que si elle ne lui avait pas ôté si cruellement toute espérance de lui plaire, il lui serait plus dévoué que jamais.

Cette situation, qui donne à la personne aimée l’attitude d’une femme persévérant dans une passion malheureuse, est une innovation de l’amour-propre dont notre siècle peut se vanter. Avant que la vanité eût acquis ce haut degré de civilisation qui lui donne aujourd’hui les apparences de la prudence et de la fierté, on se faisait honneur de son dévouement pour une femme, lors même qu’il était faiblement récompensé. On trouvait de bonne grâce de paraître enchaîné, et l’homme le moins susceptible d’un sentiment tendre affectait d’en être dominé. C’est aujourd’hui l’hypocrisie contraire qui est à la mode. On veut paraître libre sur tous les points, et cette fatuité-là coûte encore plus cher que l’autre aux femmes. Leur chagrin en voyant la peine qu’on se donne, ou le plaisir qu’en