Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/20

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tueuse, qui lui attirait jusqu’au suffrage des bourgeois humoristes, pour qui le titre de duchesse est comme le synonyme d’impertinente ; ses manières nobles, simples, inspiraient à la fois la confiance et la retenue ; mais on jugera encore mieux de ses qualités par les défauts que ses ennemis lui reprochaient : « Elle était trop exaltée, disaient-ils ; elle se prosternait devant le mérite et les talents, sans égard pour les gens qui en manquaient ; elle se faisait le chevalier de tous les persécutés, sans respect pour l’opinion de sa famille ; un tableau, un ouvrage faisaient-ils du bruit, elle en voulait connaître l’auteur ; enthousiaste déclarée des vers de M. de Lamartine, de la prose de M. de Châteaubriand, on ne pouvait les attaquer devant elle sans exciter son indignation ; elle imposait ses admirations à ses amis, et le seul moyen d’échapper à son despotisme était d’éviter de la rencontrer, car une fois sous son influence, on ne pensait plus que par elle. » Que de femmes voudraient mériter une telle satire !

Madame de Méran n’avait aucun rapport de caractère avec sa cousine ; cependant elle était agréable, surtout piquante ; plus élégante que jolie, elle donnait la mode par l’indépendance de sa mise, qui se soumettait rarement à l’usage adopté ; on la citait sans l’admirer, on l’imitait en la blâmant ; chacun s’exposait courageusement aux vérités peu flatteuses dont elle était prodigue, qu’elle disait sans amertume, et comme