— Je n’en sais rien ; mais ce qui est certain, c’est que je le trahirai plutôt que de ne pas savoir si c’était pour son propre compte ou pour celui du prochain que ma cousine s’animait ainsi. Oui, je vous en préviens, je dénoncerai votre calme insultant.
— Et vous m’obligerez, répondit M. de Varèze en se levant.
Puis il ajouta que toutes ces niaiseries ne valant pas la musique qu’elles leur faisaient perdre, il livrait ces dames au plaisir d’entendre madame Malibran, et allait se placer au balcon pour l’écouter et l’applaudir de plus près.
Son départ ayant ramené le silence dans la loge de madame de Cérolle, madame de Méran retourna auprès de sa cousine ; mais elle ne put lui dire un mot avant l’entr’acte, tant madame de Lisieux était captivée par les accents de Desdemona, au moment où elle implore son père. À cette prière déchirante : S’il padre m’abbandonna, da chi sperar pieta ? l’émotion de Mathilde devint si forte, qu’elle sentit le besoin de s’en distraire en portant ses regards hors de la scène. Ils s’arrêtèrent alors sur M. de Varèze qui, placé en face d’elle, semblait ému au même point, de la voix, et du jeu sublime de l’actrice inimitable, et elle s’étonna qu’un homme aussi léger fût dominé comme elle par des intérêts de ce genre.
Malgré son projet d’affronter ou de vaincre la malveillance de la duchesse, M. de Varèze suivit le conseil