Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/80

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— Il est donc vrai, pensa-t-elle en regardant Albéric, la fausseté peut s’allier à tant de qualités charmantes ! et cette distinction qui semble devoir être le garant de nobles sentiments, ne sert qu’à dérober les défauts les plus vulgaires ! Le désir de satisfaire une misérable vanité, de se faire applaudir par une coquette, d’amuser sa malice, peut engager à feindre une telle préoccupation, et donner aux moindres paroles l’accent du plus sincère amour ! Et la tendresse d’une âme pure serait le prix d’une semblable supercherie ! Non, l’instinct de mon cœur devinait cette trahison ; je me suis trompée sur la terreur que j’éprouvais ; je le sens maintenant au mépris qui lui succède.

Pendant que ces réflexions captivent l’esprit de Mathilde, elle ne s’aperçoit point qu’Albéric observe l’une après l’autre les différentes impressions qu’elles font naître sur son visage. L’indignation, le regret, le mépris, il en reconnaît tour à tour l’expression dans ces beaux yeux qui regardent sans voir ; mais il cherche en vain le sujet d’une si pénible rêverie. Un sentiment secret l’avertit qu’il ne peut que gagner à la faire cesser. Il se lève et reste debout au coin de la cheminée, à côté de la place où la duchesse est assise. Ce mouvement a réveillé Mathilde ; elle dit quelques mots pour faire accroire qu’elle n’a pas cessé d’être à la conversation ; mais Albéric ne peut être abusé, et le besoin d’apprendre la cause de la tristesse qui s’em-