Page:Nichault - Leonie de Montbreuse.djvu/29

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jamais éprouvé d’autre chagrin que celui de perdre son mari, mais aussi dans quel affreux désespoir sa mort l’a-t-elle plongée ! Je suis convaincu que sans l’obligation de vivre pour son fils, elle aurait succombé à sa douleur ; car sur les caractères de cette nature la philosophie ne peut rien : c’est une passion qui en remplace une autre. Alfred devint bientôt l’objet de tous ses sentiments. Élevé près d’elle par un gouverneur instruit, spirituel, mais dont la complaisance surpassait le mérite, Alfred ne sait que les noms de tout ce qui s’apprend, et se sert d’un esprit vif et gai pour déraisonner sur tous les sujets de la manière la plus amusante. Avec une telle éducation, et fils d’un officier général, il ne pouvait suivre d’autre carrière que celle de son père ; aussi me suis-je empressé de lui faire obtenir un régiment. Je dois lui rendre justice : sa réputation militaire ferait honneur aux meilleurs officiers du roi ; mais, s’il en faut croire sa mère, celle des jolies femmes qui le reçoivent souvent n’est pas en sûreté, et cet éloge de sa part doit être un avis pour vous, Léonie. Alfred vous verra souvent, vous lui