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Page:Nichault - Physiologie du ridicule.pdf/152

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agitent les hommes, ou la trêve d’un combat fatigant entre le problème et la solution ; c’était pour ainsi dire un sommeil du cerveau qui n’empêchait point le corps d’agir, ni les sens de savourer, le parfum des violettes, et d’admirer un charmant paysage. Mais qu’on ne suppose pas que la pêche ne fût pour ces grands personnages qu’un prétexte de repos, de silence. Non, non, jamais ce goût, si niais en apparence, n’est entré dans un esprit supérieur sans le captiver en entier, tout le temps qu’il s’y livre ; c’est dans l’absorption totale de ses réflexions qu’il trouve la patience nécessaire à son plaisir. La partie de son cerveau qui dort est celle qui travaille d’ordinaire, l’autre veille pour s’amuser bêtement. Eh ! quelle plus grande jouissance pour un homme d’esprit !

Quant aux gens qui pensent peu ou point, ils feraient tout aussi bien de changer leur activité stérile pour la tranquillité du pêcheur ; il en résulterait moins de tracasseries dans leur ménage, et quelquefois un plat de plus sur leur table. Mais la médiocrité est ennemie du calme ; rendons-en grâce au ciel ; sans cela, il ne lui manquerait rien pour gouverner la terre.