Page:Nichault - Physiologie du ridicule.pdf/165

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désœuvrés ou assez résignés pour venir écouter cinq mortels actes, dans lesquels est déployé un trait de nos premiers temps de l’histoire de France, orné de sentences et d’antithèses.

Comme l’ouvrage ne présente rien de neuf, il ne donne matière à aucune contestation. Bercé par le retour des mêmes rimes, d’Aquitaine, de capitaine ; de valeur, de malheur ; de vertu, d’abattu ; de mémoire et de gloire, l’auditoire se livre à ce demi-sommeil indulgent qui est, après l’enthousiasme perfide, la plus douce illusion d’un auteur. M. Saint-Gervais se sentant si religieusement écouté, si délicieusement interrompu par les bravos de Menival, redouble de chaleur ; sa voix fait vibrer les nerfs des assistants. Ils ne croient pas qu’on puisse dire des choses ordinaires d’un accent si pénétré ; les gestes de l’auteur, ses coups de poing sur la table où le verre d’eau sucrée frissonne, sa voix émue, ses yeux brillants de larmes, enfin tout l’arsenal de la déclamation produit son effet. On se récrie d’avance sur les applaudissements qui attendent le chef-d’œuvre, et M. Saint-Gervais, bouffi de son succès, est presque aussi heureux que son cher Menival.