Page:Nichault - Physiologie du ridicule.pdf/17

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deux êtres enchaînés par le plaisir sans cesse renaissant de se dénigrer l’un l’autre. Avec quelle gaieté ils se bafouent, se taquinent, se trahissent ! quitte à se battre ensuite avec le mauvais plaisant qui rit des travers qu’ils dénoncent ! Comme ils se suivent, comme ils s’épient pour découvrir plus tôt la mésaventure ou le moindre désappointement qui peut les déconcerter ! Il n’y a guère qu’un grand succès ou une grande action qui puisse troubler cette harmonie parfaite ; et encore les grandes actions, les grands succès, sont si faciles à tourner en ridicule !

Il n’en est pas de même des hommes : l’ironie la plus ingénieuse ne peut les doter du ridicule qui leur manque.

Ce don précieux est-il échu par droit d’héritage ou bienfait de nature à une femme jeune et riche, c’est bien un autre triomphe vraiment ! Manières affectées, attitudes singulières, grands airs bourgeois, langage commun, parure exagérée, mots burlesques, tout devient succès pour elle : la curiosité lui assure une politesse, une prévenance, au moins de la part de toutes les femmes ; car ce qu’elle a d’étrange devant servir à la conversation de plusieurs jours, il faut l’avoir vue de près pour