Page:Nichault - Physiologie du ridicule.pdf/26

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fera sa gloire des unes et sa fortune des autres ; sans vendre sa voix, il la prêtera pour une place ou une dignité, quitte à rentrer ensuite dans son indépendance ; et comme son esprit observateur lui a révélé les plus sûrs moyens de parvenir, il se tiendra prudemment au milieu du groupe ministériel pour être de toutes les fournées.

« Concevez-vous rien de plus ridicule, dit-on ; Philinte est sur la liste des nouveaux pairs ! lui qui n’a jamais eu le sens commun en politique, qui ne sait pas une ligne du Code, et dont la méchante prose est une rivière de lieux communs où ne surnage pas une idée ? En vérité, c’est un choix déplorable. »

Mais le temps se passe, le choix déplorable s’oublie, et Philinte, établi dans sa nouvelle dignité, en prend petit à petit les usages. Ses lieux communs transportés à la tribune s’acclimatent assez vite, et trouvent des consommateurs. À force de s’être moqué de lui, de son inutilité, de sa nomination, on ne s’en occupe plus, et il finit par jouir de tous les avantages inhérents à la pairie.

Qu’avait-il pour y arriver ? Le don inappréciable d’une présomption ridicule.