Page:Nichault - Physiologie du ridicule.pdf/95

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parmi ceux qui sont recommandés à son frère un homme sur lequel elle puisse fonder quelque espérance, on ne manque de rien ; le dessert est au complet, et les assiettes montées sont garnies de bonbons à devises qui peuvent au besoin servir d’aveux. La joie d’un bon repas commence à gagner les convives ; la vieille fille entend vanter ses fruits confits et sa marmelade ; elle prend un air modeste pour répondre aux compliments que lui en fait celui pour qui elle minaude ; mais quel son barbare a frappé son oreille !

— En vérité, ta femme n’en fait pas de meilleurs, lui dit un ami.

Sa femme ! ô découverte affreuse !

— Il est marié, pense-t-elle avec rage ; eh bien, qu’il aille prendre son café chez sa femme, il n’en aura pas ici.

En effet, l’eau n’est pas assez chaude, la cafetière filtre mal, enfin le café n’est pas prenable. En vain le maître de la maison s’en plaint ; on ne l’écoute pas. C’est à mademoiselle Dorothée qu’on répond ; c’est elle qui défend d’allumer le billard, de préparer les tables de jeux, de peur de retenir et d’amuser les convives ; et chacun lui cède, car elle a un entêtement despotique.