Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec son oncle au château de Montvilliers ; et M. Brenneval, devant faire plusieurs voyages pour ses affaires, venait de céder aux instances de sa fille. On se répandit en éloges dans le monde sur la retraite sévère à laquelle madame de Lorency se condamnait pendant l’absence de son mari, et l’on admira d’autant plus sa conduite qu’elle servait à blâmer celle d’Adhémar.

Le président de Montvilliers avait recueilli chez lui une fille de son frère mort dans l’émigration. Cette excellente personne, reconnaissante de l’asile et des tendres secours que lui avait donnés son oncle, n’avait d’autre idée que celle de payer ses bienfaits par tous les soins de la plus parfaite ménagère. Parvenue à l’âge de quarante ans sans avoir jamais pensé à se marier et n’ayant jamais été témoin ni confidente d’aucune passion amoureuse, elle les regardait comme autant de fictions poétiques à l’usage des jeunes gens, ainsi que les contes de fées imaginés pour amuser les enfans. Élevée par une vieille femme de charge de sa mère, mademoiselle Mélanie de Montvilliers n’avait pas consacré son temps à l’étude des arts, mais elle avait appris de sa gouvernante à bien tenir une maison, et de son oncle à en faire les honneurs avec une politesse cordiale. L’ordre était sa vertu et presque sa manie : le dérangement d’un meuble, la perte d’une serviette qui dépareillait un service complet, lui causaient une véritable peine qu’elle se sentait trop souvent le besoin de confier. Empruntait-on un des livres de la bibliothèque, elle vous recommandait chaque matin de ne pas manquer de le remettre à sa place dès que vous l’auriez fini, et l’on se hâtait d’en achever la lecture, malgré le plaisir qu’on y prenait, pour être délivré de l’ennui quotidien de la recommandation. Mais aussi, comme chaque appartement était bien arrangé ! comme chacun y trouvait ce qui devait lui être commode et agréable ! que d’attentions pour les vieux amis du président ! car son château était une espèce de refuge pour tous les anciens parlementaires échappés à la Révolution. Un des plus assidus était M. de Gevrieux, autrefois conseiller au parlement de Toulouse, ennemi déclaré du protecteur des Calas, auquel il at-