science ; et comme l’application qu’on porte à un art finit toujours par en donner le goût, il y avait alors un nombre considérable de vrais amateurs. Les plus grandes dames de la cour, des colonels, qui se battaient fort bien, de jeunes diplomates, ne dédaignaient pas de faire leur partie dans un concert particulier, où des gens aussi bien nés que Garat, d’Alvimare et madame de Montgerout, étaient les principaux artistes. Même après ces grands talents, on écoutait avec un vrai plaisir la jolie voix du comte Charles de FI…, et les accords harmonieux que M. de Per… savait tirer de sa harpe. Les romances de la reine Hortense se trouvaient sur tous les pianos. Elles servaient d’interprète aux aveux tacites, et faisaient valoir la voix et l’âme de toutes les femmes qui s’exerçaient à les chanter aussi bien que l’auteur. La maréchale N…, madame de B… sa sœur, la comtesse de Nan…, et beaucoup d’autres avaient chacune un talent remarquable ; et l’on peut affirmer, qu’à cette époque, la musique intime était le plaisir le plus élégant.
Le premier boléro fini, Ermance se leva pour aller vers la duchesse d’Alvano, et la conduisit à une place voisine de la sienne ; M. de Lorency traversa le salon pour venir la saluer et lui adresser quelques mots d’un ton assez froid. Excepté deux ou trois personnes des moins importantes qui se trouvaient là, le reste n’eut pas l’air de s’apercevoir de l’arrivée de la duchesse d’Alvano ; c’était d’abord une manière de rendre hommage à la maîtresse de la maison ; et puis on aime d’ordinaire à déconcerter les projets trop visibles. Il y avait dans la parure, dans l’attitude de madame d’Alvano une conscience de l’effet qu’elle devait produire qui donnait envie de le déjouer. Sa toque de velours nacarat, surmontée d’un panache blanc, sa robe de chale, garnie de chefs d’or, ne lui avaient encore attiré que les compliments de Garat, qui admirait pièce à pièce les moindres détails de cette parure recherchée.
Impatientée de l’indifférence qu’on lui témoigne, la duchesse ne pense qu’à s’en venger sur Ermance : pour y mieux parvenir, elle attend que, rassasié de musique, on se rapproche