l’affection qui n’en permet point d’autre ? avait-elle laissé entendre seulement qu’elle aimât assez Adhémar pour se défendre sans peine contre un autre sentiment ? Non ; le devoir seul paraissait dicter sa conduite, et, sans pouvoir se plaindre, sans continuer des reproches dont tout prouvait l’injustice, Adhémar sentait qu’il avait encore raison d’être jaloux.
— Je n’ai rien à répondre à de telles assurances, madame, dit-il, et je ne vous ferai point l’injure d’en douter, malgré toutes les apparences qui devraient confirmer mes craintes.
En disant ces mots, Adhémar regardait Ermance, dont les traits altérés, les yeux rouges, les cheveux encore nattés de la veille, attestaient une nuit entière passée dans les larmes. Ah ! s’il avait pu deviner qu’elles coulaient pour lui ! Mais, bien loin de le croire, ces larmes lui semblaient la preuve des regrets d’Ermance pour un autre.
— Au reste, continua-t-il, nous sommes dans une situation où la ruse est inutile, et je vous crois incapable de ne pas dire vrai quand vous savez si bien vous taire : sans les considérations qui m’obligent à vous éclairer sur les prétentions du comte Albert, je ne me serais pas donné vis-à-vis de vous le ridicule d’un tuteur de comédie ; mais il est de certains devoirs dont un homme d’honneur ne peut s’affranchir, et j’en avais assez entendu pour ne pas permettre plus de conjectures à ce sujet. Vous connaissez trop bien les convenances et les moyens qu’une femme comme il faut a toujours de faire cesser les assiduités qui la compromettent pour que j’aie à vous tracer votre conduite : votre fermeté à maintenir les résolutions que vous savez prendre ne doit pas me laisser de doute sur votre courage à tout sacrifier aux soins de votre réputation, et j’espère que vous ne m’en voudrez point d’un avis dicté par la plus sincère amitié.
Ce mot d’amitié, cette injure des âmes passionnées retentit au cœur d’Ermance et ranima sa fierté.
— Je vous remercie, dit-elle avec amertume, de m’avoir appris à quel point je pouvais vous déplaire, et je m’engage à vous éviter désormais l’ennui de me surveiller dans le monde. Je le hais : ses plaisirs, ses médisances me fatiguent