Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/192

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déterminait Ermance à quitter si vite le château de Montvilliers, et vous avez encore le temps de rester ici quelques jours ?

— Non, répondit Ermance ; je profiterai de cette occasion pour voir madame de Cernan et quelques-unes de mes amies.

La jalousie d’Adhémar s’apaisa un moment en voyant le soin qu’Ermance prenait de fuir le comte Albert ; mais son orgueil s’irrita de ce qu’il regardait comme un sacrifice fait à sa souffrance ; et ce misérable sentiment, ce tyran des âmes fières, qui réprime tous les mouvements naturels, les aveux de tendresse ou de reconnaissance, porta M. de Lorency à l’affectation d’une bienveillance extrême pour le comte Albert. Il l’accueillit de manière à lui laisser croire que sa visite, loin de l’inquiéter, lui était fort agréable, et il s’appliqua à lui faire les honneurs de la maison du président avec une grâce toute particulière. Il est vrai qu’Ermance, ne sachant comment dissimuler son embarras et l’étonnement que la conduite d’Adhémar lui causait, gardait le silence et paraissait bien différente de ce qu’elle était d’ordinaire pour les gens que recevait son oncle. Une contrainte si visible aurait eu quelque chose de bien flatteur pour le comte Albert, s’il avait ressemblé à la plupart des hommes ; mais sa modestie ne lui permettait pas de s’abuser sur le trouble d’Ermance. Il y a un instinct de cœur chez les gens qui aiment véritablement qui leur fait reconnaître dans un autre la même émotion qu’ils éprouvent ; ils sont comme les personnes accoutumées à porter de beaux diamants, qui, sans être lapidaires, ne sont jamais trompées par l’éclat des pierres fausses.

Adhémar s’empara si bien du comte Albert qu’il eut à peine le temps d’adresser quelques mots à madame de Lorency. Il avait mis la conversation sur les personnes que tous deux connaissaient à Vienne, et M. de Maizières, ne pouvant s’en mêler, vint se réfugier près d’Ermance, et se plaindre de la manière dont Adhémar accaparait le nouveau venu.

— C’est un procédé fort adroit, dit-il, et que je conseillerai à tous les maris de ma connaissance. Au fait, de quel droit