nions quotidiennes ; car les théâtres, ne donnant que deux pièces, étaient fermés à onze heures, et comme les habitués d’un spectacle en voient rarement la fin, la maitresse de maison qui aimait à recevoir, pouvait rentrer chez elle d’assez bonne heure pour y recommencer une soirée amusante. La mode de faire étouffer quatre cents personnes dans de petits salons n’étant pas encore adoptée, on recevait, les uns après les autres, les gens de sa connaissance, et l’on donnait aux amis d’élite le droit de venir tous les soirs causer des événements de la journée : cet usage favorisait les conversations intimes, les rapports d’esprit et d’amitié ; on y continuait l’entretien de la veille, et la discussion entamée sur un sujet littéraire fournissait à chacun les moyens d’instruire ou d’amuser, selon que son caractère était sérieux ou plaisant. Dans ces sortes de réunions, on se laissait aller sans contrainte à la nature de son humeur, certain d’être bien écouté et jugé avec indulgence par des amis dont les éloges ou les épigrammes étaient également bien accueillis. On ne pouvait tomber dans le tort de blesser en disputant, car on devait se revoir le lendemain, et cette obligation empêche souvent les querelles de trop s’animer ; enfin l’impossibilité de rien changer aux lois de la toute puissance qui régnait alors ne permettait pas les suppositions, les dissertations politiques qui forment aujourd’hui le fond de nos conversations ; la volonté de l’empereur régissant tous les intérêts à son gré, personne n’était captivé par ce désir rongeur d’abattre pour reconstruire à son profit, et si la dignité de l’homme y perdait, son esprit, dégagé des rêves d’une ambition financière, se montrait dans tout ce qu’il avait d’aimable. La victoire et les femmes y gagnaient ; on s’illustrait, on s’aimait, faute de mieux : aussi ce temps de gloire et d’esclavage sera-t-il, malgré tous les avantages de la liberté constitutionnelle, un éternel sujet de regret ou d’envie pour les générations présentes et futures.
M. de L… ancien ami de la famille de M. de Lorency, homme d’esprit, penseur ingénieux, auteur de plusieurs ouvrages de mérite, avait, comme tant d’autres, la manie de dédaigner le genre où il excellait, et de se croire passé maître dans celui où