eu à retrouver à Paris M. de Montvilliers, lui dit que les mauvais chemins l’avaient retenu un jour de plus en route, qu’il venait de faire un long et ennuyeux voyage, mais que l’empereur l’en dédommageait si bien qu’il n’avait pas le droit de s’en plaindre.
Dans son récit, dans ses questions précipitées, il régnait une telle affectation d’oubli pour le passé, d’insouciance pour le présent, qu’il était facile de voir qu’Adhémar jouait le rôle qu’il s’était imposé, et que, placé entre la nécessité de rompre d’une manière éclatante avec madame de Lorency ou de paraître vivre convenablement avec elle, il s’était tracé un plan de conduite qui devait satisfaire aux exigences du monde et à sa résolution de rester le plus possible étranger à sa femme. Peut-être le moment où il recouvrait une partie de sa fortune personnelle lui paraissait-il mal choisi pour une rupture ; peut-être, n’ayant que des soupçons, ne se croyait-il pas en droit de sévir contre une personne qui jouissait d’une véritable considération ; enfin, quel que fût son motif pour en agir ainsi, Ermance ne chercha pas à le deviner : heureuse de l’entendre, malgré le ton léger, l’air indifférent qui accompagnaient ses paroles, elle s’abandonna à la plus douce émotion. Ah ! s’il naît de la présence de ce qu’on aime une sorte d’enivrement que sa colère ou sa froideur même ne peut neutraliser, c’est qu’en dépit des chagrins qu’il cause et de ceux dont il menace, sa présence est toujours de l’espoir.
Cependant, si la conduite d’Adhémar avec Ermance offrait peu de changement dans leur intérieur, il n’en était pas de même devant le monde. Jusqu’alors empressé, presque soigneux pour elle devant des témoins, il avait évité tout ce qui aurait pu faire deviner la désunion qui régnait entre sa femme et lui ; maintenant il semblait mettre, au contraire, de l’amour-propre à se montrer indépendant et complétement dégagé de tous sentiments affectueux pour elle ; enfin, à ses égards prémédités, à son insouciance polie, on l’aurait cru d’une indifférence profonde pour tout ce qui la regardait, si l’amertume de ses plaisanteries et sa gaieté forcée n’avaient parfois trahi son désir de l’affliger.