Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/287

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tation pendant toute la soirée, il n’avait pu le quitter, mais que M. de Lorency repose depuis une heure, que sa respiration est plus libre, et que ce sommeil si calme doit sans doute durer quelque temps, car il y a de l’opium dans la potion calmante qu’on lui a donnée.

— S’il est profondément endormi, dit Ermance d’un ton suppliant, ne pourrais-je pas ?…

— Chut ! interrompt Étienne en se tournant vers l’intérieur de l’appartement ; il me semble toujours entendre sa voix qui m’appelle ; puis, revenant presque aussitôt, il fait signe à madame de Lorency de le suivre. Alors un mouvement de joie, colore ses joues, une douce chaleur circule dans ses veines, et les battements de son cœur se précipitent si vivement qu’elle est obligée de s’arrêter un instant sur le seuil de la porte. La faible lueur d’une lampe posée derrière le lit du malade éclairait un côté de la chambre, et un large foyer de charbon de terre allumé échauffait et servait de flambeau à l’autre partie ; une bergère, cou verte de coussins parfumés, était auprès du lit et témoignait de la visite récente d’une personne privilégiée. Les rideaux étant fermés pour garantir le malade de l’air qui venait de la porte, Ermance ne peut l’apercevoir qu’en s’avançant jusqu’à la bergère : elle marche en retenant sa respiration, et le bon Étienne, ému du soin qu’elle prend pour ne pas troubler le repos d’Adhémar, se retire dans l’antichambre, ne voulant pas ajouter la gène d’un témoin à tout ce que madame de Lorency éprouve d’émotions pénibles.

Hélas ! elle faillit y succomber en apercevant les traits amaigris, le teint livide de ce visage si beau, et qu’une longue souffrance rendait presque méconnaissable. Tous les désastres, les maux de cette horrible guerre semblaient inscrits sur ce front abattu. Une main pale et décharnée, la main d’Adhémar, était pendante sur le bord du lit, et semblait chercher l’impression du froid pour tempérer le feu de la fièvre. À cette vue, Ermance sent fléchir ses genoux : la crainte de ne pouvoir se soutenir la fait d’abord s’appuyer sur le siége qui est près d’elle ; mais repoussée par l’idée qu’il vient d’être occupé par sa rivale, elle retire son bras, et se livrant à l’émotion qui la