il se garde bien d’interrompre celui du brave Étienne, et reste dans ce calme si doux, ce vague de pensée qui est pour ainsi dire l’extase de la convalescence ; ses yeux se portent lentement sur ce qui l’entoure ; ils se reposent d’abord sur les dessins grotesques de l’étoffe de Perse qui forme ses rideaux ; puis, attirés par la couleur éclatante de la frange qui les borde, ils s’y arrêtent et considèrent long temps l’objet qui tient à cette frange et qui reluit aux faibles rayons de la lampe, mais il les regarde sans étonnement comme sans curiosité ; enfin, si la main d’Adhémar n’avait pas rencontré sur sa couverture quelque chose de froid dont elle s’était emparée machinalement, il n’aurait pas reconnu la montre qu’il avait volontairement oubliée en partant de Paris. La vue de cette montre ne ranima que lentement ses souvenirs confus : d’abord, se reportant à l’époque ou il s’en servait tous les jours, il lui parut tout naturel de la trouver là ; ensuite, l’idée qu’il l’avait reçue d’Ermance lui revint ; puis la certitude pénible de n’avoir plus voulu la porter, de l’avoir laissée suspendue à sa cheminée lors de son départ pour l’armé, acheva de réveiller sa mémoire.
Lorsqu’Étienne entra le lendemain, selon sa coutume, chez madame de Lorency pour répéter ce que le médecin avait dit, elle le vit si troublé qu’elle le questionna en frémissant.
— Vraiment, nous avons pensé avoir une belle crise ! répondit-il d’un ton de reproche.
— Ah ! mon Dieu ! s’écria Ermance ; serait-il plus mal ?
— Certainement ; il n’est pas si bien qu’hier, car il s’est agité toute la matinée de manière à se rendre la fièvre pour savoir comment cette maudite montre était venue toute seule de Paris. Ah ! madame m’a mis dans un grand embarras, et si j’avais pu penser…
— Ô ciel ! interrompit Ermance en s’apercevant qu’elle n’avait plus à son cou la chaîne qu’elle portait depuis le jour où elle l’avait prise chez Adhémar ; qu’elle fatalité ! Quoi ! je l’aurais laissé tomber en m’enfuyant ?
— Oui, madame, et sur son lit encore, ce qui fait qu’il l’a vue en s’éveillant et qu’il m’a fallu lui faire cent contes pour