Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/31

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tion, il ne m’aurait pas reproché la fortune que mon père y a gagnée !

Et ce regret en amenait beaucoup d’autres, qui achevaient de la désoler. Effrayée par les présages qui naissaient de ces tristes réflexions, Ermance se décida à les confier à la duchesse d’Alvano. Elle espérait trouver dans son expérience les moyens de surmonter la passion qu’elle croyait avoir pour Adrien de Kerville, et un instinct féminin lui donnait l’assurance que les conseils de la belle Euphrasie la délivreraient de tous les scrupules qui gênaient sa conscience.

La première impression de la duchesse d’Alvano, en recevant cette confidence, fut une joie infernale qu’elle eut beaucoup de peine à dissimuler, sous des airs de pitié pour Ermance. D’abord, elle eut l’idée de se servir de cet aveu imprudent pour rompre le mariage qui la désespérait ; mais réfléchissant ensuite à la colère qu’en ressentirait l’empereur, à la disgrâce où tomberait Adhémar, à celle qui pourrait s’en suivre pour elle-même, elle n’hésita pas à reprocher à mademoiselle Brenneval de ne lui avoir pas fait connaître plus tôt l’état de son cœur, les choses étant trop avancées pour rompre.

— Vous ignorez, ma chère enfant, dit-elle, toute l’importance d’un mariage… dont l’empereur se mêle ?

— Et c’est parce que j’en comprends les devoirs, répondit Ermance en pleurant, que je tremble de me lier par serment à un autre qu’à celui…

— Ceci importe peu, interrompit la duchesse ; votre père vous marie pour l’intérêt de ses affaires ; Adhémar vous épouse pour remettre les siennes ; l’empereur veut ce mariage pour consolider son système. Vous n’êtes pas tenue à de grands égards pour tous ces calculs personnels, et le monde sera juste envers vous. Ce n’est point votre avenir qui m’effraie ; mais j’ai beau chercher, je ne vois aucun moyen de vous soustraire au malheur présent. Résignez-vous donc, ma chère, en pensant que la plupart des femmes que vous rencontrez dans le monde ont commencé par s’immoler comme vous aux convenances avant de vivre pour leur cœur. Ah ! mon Dieu ! les hommes ne sont pas plus exempts que nous de