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Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/59

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— À quoi bon tous ces combats ? Vous m’aimez, puisque vous n’êtes pas fâchée que je vous aime. Pourquoi me tourmenter à plaisir ? Avez-vous peur d’être blâmée de ces femmes qui vous entourent, et qui font de la pruderie pour le compte des autres ? Elles ont chacune leur amant, et nous sommes les seuls ici que l’amour ne rende pas heureux. Est-ce pour le plaisir de me sacrifier à un mari qui vous trompe ? Ce serait par trop d’héroïsme, et personne ne vous suppose dupe à ce point. Croyez-moi, tout ce que vous avez déjà fait pour me désespérer n’a servi qu’à vous compromettre ; plus d’accord, nous échapperions mieux à la surveillance des oisifs, et vous m’épargneriez quelques folies ; un crime peut-être. Que sais-je !… dans le délire où vous me mettez avec vos scrupules, je ne réponds pas de moi. Ce matin, par exemple, j’ai manqué me battre avec votre M. de Maizières, qui me plaisantait devant Jules sur ma constance à soupirer sans espoir de retour. Il a fallu tout le respect que je vous porte pour m’empêcher de le châtier à l’instant même de son impertinence ; mais j’en trouverai, j’espère, une meilleure occasion, et lorsqu’il ne sera plus question de vous…

— Au nom du ciel ! s’écria Ermance, évitez une scène semblable, ou je serais perdue à jamais !…

Et M. de Kerville souriait de la terreur d’Ermance, car cette terreur d’un meurtre, de la honte d’un éclat la mettait dans sa dépendance.

Malgré tant d’espérances de succès, Adrien se voyait au moment d’échouer. Le retour de M. Brenneval était annoncé, et forte de la prochaine présence de son père, Ermance résistait à toutes les séductions. Adrien au désespoir et plus obstiné que jamais dans son coupable triomphe, alla confier à la duchesse d’Alvano les projets insensés qu’il méditait. Elle en fut effrayée ; ils étaient de nature à avoir les plus funestes conséquences, à compromettre jusqu’à la vie d’Adhémar ; car il aurait sans doute voulu tirer vengeance d’une insulte faite à son nom. Les conseils, les prières d’Euphrasie ne purent rien obtenir de la raison d’Adrien ; son égarement était au comble, et la duchesse reconnut qu’elle ne pouvait arrêter sa