Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/76

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fixant ses yeux sur ceux de madame de Lorency : croyez-moi, ménagez madame d’Alvano, c’est une de ces femmes dont l’éducation tardive et la brusque élévation n’ont pas complètement étouffé une nature commune et des défauts vulgaires. Avec ses manières de grande dame, tout blesse sa susceptibilité ; ces gens-là veulent imiter les gens d’autrefois et ne savent rien dédaigner ! on leur ferait faire mille sottises en taquinant simplement leur amour-propre, tant il sont convaincus d’avance qu’on a raison de se moquer d’eux. Si, par des motifs que je n’ai pas l’indiscrétion de demander, vous désirez diminuer vos relations avec madame d’Alvano, que ce soit par degré ; tâchez de lui laisser croire que c’est elle qui s’éloigne, autrement elle emploierait contre vous des moyens d’autant plus sûrs que votre âme est trop noble, trop généreuse pour s’en défier.

— Je vous remercie, répondit Ermance en essuyant les larmes qu’elle cherchait à retenir ; il est vrai qu’ayant appris par un hasard bien cruel à quel point elle a été perfide envers moi, je ne me sentais plus le courage…

— Non, elle n’a point été perfide ; ou du moins, si elle la été un instant, elle ne peut plus l’être, son règne est fini ; c’est moi qui vous l’atteste, il ne pouvait durer davantage : dès la première fois que je vous ai vue, j’ai deviné le sort qui attendait votre rivale. Adhémar avait trop bon goût pour hésiter entre vous deux, et, si vous lui aviez témoigné un peu moins d’indifférence, il aurait déjà désespéré à jamais la pauvre duchesse !

— Vous croyez qu’il m’aurait aimée ?

— Je fais plus, je crois qu’il vous aime, et je pourrais vous en montrer la preuve si je n’avais brûlé la lettre qu’il m’a écrite peu après avoir quitté Paris ; vous auriez su combien il était heureux de vous avoir vu pleurer à son départ !

— Serait-il vrai, s’écria Ermance les yeux brillants de joie.

Puis ramenée tout à coup à un funeste souvenir, elle cacha son visage dans ses mains, en disant :

— Que je suis malheureuse !

— Calmez vous, reprit Ferdinand, et prenez confiance dans