Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/95

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daigné plutôt que de l’avilir en recevant plus longtemps les preuves d’un amour dont elle n’est plus digne, Ermance, également torturée par sa conscience et son cœur, hésite à sacrifier le seul bien qui lui eût fait aimer la vie, car elle lit maintenant dans son cœur ; elle reconnaît qu’il éprouve pour la première fois le trouble, les tourments de l’amour. Combien le dépit, la vanité, qui l’ont égarée un moment, ressemblaient peu au sentiment dont son âme se sent anoblir, à cet héroïsme du cœur qui fait tout immoler à l’honneur de ce qu’on aime ! Elle n’en peut plus douter, cet homme qu’elle a outragé, cet Adhémar qu’elle croyait haïr est devenu pour elle l’objet d’un culte sacré, d’une passion d’autant plus vive que les regrets, le remords l’alimente. L’idée de le tromper, d’usurper son amour lui fait horreur.

— Qu’il parte sans me revoir, dit-elle ; enfin, qu’il m’abandonne à la honte de l’avoir trahi, au désespoir de le perdre ! Oui, c’est moi qui le perds par ma faute, car il m’était rendu ; j’allais posséder son amour… Et c’est quand je l’ai vu partager l’émotion qui m’agite, c’est après avoir senti son cœur battre contre le mien qu’il faut lui laisser croire que je le déteste, qu’il faut l’éloigner de moi, de moi qui l’adore !… Ah ! j’en mourrai, j’espère ! mais mon devoir est tracé. Qu’il échappe du moins à la honte de celle qui a flétri son nom, qu’il ne se dégrade point en l’aimant, qu’il m’accable de sa haine ; je la supporterai plutôt encore que ces témoignages d’estime qui me font rougir, que ces caresses qui redoublent mes remords… Non, je ne puis le voir et le tromper : qu’il parte !…

Des sanglots étouffèrent la voix d’Ermance, bientôt un tremblement convulsif s’empara d’elle ; sa femme de chambre l’ayant surprise en cet état en fut effrayée, et alla dire à M. Brenneval que la fièvre venait de reprendre sa maîtresse, et qu’elle ne pourrait descendre de la journée.

Après avoir donné l’ordre d’aller chercher le docteur B…, M. Brenneval se mit en route avec Ferdinand pour Paris, laissant à son oncle et à madame de Cernan le soin de veiller sur Ermance. Avant de monter en voiture, il lui avait fait demander si elle n’avait pas une réponse à envoyer à son mari,