Page:Nichault - Une aventure du chevalier de Grammont.djvu/70

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Que je livre mon âme au charme qui l’entraîne,
Ou bien que sans espoir à mon sort résigné,
Je triomphe à jamais d’un amour dédaigné.
Qu’on ne m’accuse pas en cela d’exigence :
Je sais borner mes vœux et souffrir en silence ;
Mais pour qu’avec raison je croie à sa vertu,
Il faut qu’en ma faveur un cœur ait combattu,
Et qu’un peu de pitié m’aide à porter ma chaîne.
Sinon, à son orgueil livrant une inhumaine,
Je pars et vais loin d’elle apprendre à la haïr.

LA MARQUISE.

C’est agir sagement.

LE CHEVALIER.

C’est agir sagement.Eh bien, dois-je partir ?

LA MARQUISE.

Mais… cette question a droit de me confondre,
Et vous me permettrez de ne pas y répondre.

LE CHEVALIER.

Pourquoi vous imposer silence à ce sujet,
Quand vous avez déjà pénétré mon secret ?
Feindrez-vous avec moi de ne pas me comprendre ?
De ces petits moyens vous devez vous défendre,
Ils ne sont plus admis par les gens comme il faut
Depuis qu’en fait d’amour chacun pense tout haut ;
Ainsi donc au vulgaire abandonnez ces armes,
Et convenez tout franc du pouvoir de vos charmes :
Ce que vous m’inspirez, soyez de bonne foi,
Vous l’aviez deviné bien long-temps avant moi ?

LA MARQUISE.

J’avais vu seulement que vous cherchiez à plaire ;
Mais puisque vous voulez qu’on parle sans mystère,
Je vais de votre esprit imiter la candeur,
Et vous laisser aussi lire au fond de mon cœur.
D’abord je n’irai pas, en femme ridicule,
Vous parler de devoir, de raison, de scrupule ;