Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/106

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presque tous les soirs l’élite des personnes les plus distinguées en tous genres. Parmi tant de femmes agréables, on s’étonnait de ne pas apercevoir madame de Civray ; mais quand on en faisait la remarque, madame de Révanne répondait que la santé de sa nièce ne lui permettait pas de quitter la campagne cette année. En effet la pauvre Lydie était depuis deux mois bien souffrante ; et sa tante n’était restée aussi longtemps près d’elle que pour l’aider à supporter ses maux avec plus de courage. Cependant l’ingrat qui les causait sans le savoir commence par lui en faire un crime ; et ce qui aurait dû l’attacher plus que jamais à ses premiers liens fut ce qui acheva de les rompre.

L’ancienne amitié de la marquise pour madame de Beau***, augmentée par la reconnaissance, devint encore plus intime. Ces dames se voyaient journellement ; mais le général B***, quoique flatté des prévenances de madame de Révanne, y répondait rarement. N’ayant ni le goût ni l’habitude du monde, il y portait une contrainte qui ne lui permettait pas d’y paraître à son avantage : le moindre incroyable y brillait plus que lui, et regardait avec pitié son air embarrassé. Cet injuste dédain blessait l’amour-propre du général, et comme rien n’est plus insupportable que le triomphe des gens que l’on suppose d’un mérite très-inférieur au sien, il fuyait les salons où il se sentait également importuné par la supériorité de quelques hommes et la médiocrité des autres.

Celui de madame de Beau***, chez laquelle il était sans cesse, commençait pourtant à se meubler de personnages marquants ; mais le sentiment dont elle ne se cachait plus imposait à ses amis une certaine condescendance pour celui qui en était l’objet ; on s’occupait de lui plaire. Ces soins le mettaient à son aise ; alors, causant avec assurance, ses questions bizarres, ses réponses piquantes, ses réflexions profondes, et ce je ne sais quoi de mystérieux répandu sur toute sa conversation, la rendaient si attachante, qu’elle était recherchée de tous ceux qui en connaissaient l’intérêt et désiraient en deviner le but.

Parmi tant de jeunes poëtes et de compositeurs dont les talents ont depuis illustré la France, il avait particulièrement