Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/111

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M. de L*** ; je me souviens que le vicomte en a été fort amoureux.

La recommandation était inutile ; car je n’avais entendu parler de cette dame que par M. de Léonville, qui la citait parfois comme un exemple de la considération qu’on pouvait acquérir dans toutes les classes de la société, par un esprit transcendant et un noble caractère.

— Je ne suis pas si intolérant, répondit M. de L*** ; les orateurs, les publicistes, et même les philosophes, ne me feraient pas déserter le salon d’une ancienne amie, et il a fallu mieux que cela pour m’éloigner de celui de cette grosse républicaine, que vous voyez là tout à côté de la belle duchesse d’A*** son amie. Le plaisir de rencontrer chez elle cette aimable personne, et plus encore celui d’y causer avec des hommes d’un vrai mérite, tels qu’Alexandre de L***, Duport et Barnave, me ramenait souvent dans cette société, où l’on riait de la maîtresse de la maison, même à sa barbe. Malgré tant de sujets d’amusements, j’ai cessé d’y retourner depuis un certain jour où elle m’a fait dîner familièrement avec Robespierre ; j’avoue que l’aspect de ce terrible convive triompha de mon appétit et même de mon courage, car je me réfugiai dans l’Inde pour lui échapper. Il paraît que madame de L***, sans aller se cacher si loin, a su braver sa férocité. Cela m’étonne, car il avait des obligations à sa famille.

Les premiers accords d’une symphonie d’Hayden interrompirent cette conversation, que le vicomte aurait continuée sans scrupule, si M. de L*** ne lui avait témoigne le désir d’écouter ce chef-d’œuvre avec toute l’attention d’un véritable amateur. L’ensemble de cet orchestre formidable me parut merveilleux. Le public applaudit faiblement au concerto de flûte qui succéda à ce premier morceau ; mais, pour me servir d’une expression du fameux docteur Gall, je n’ai pas l’organe du concerto, et ceux des instruments à vent m’ont toujours paru d’un effet désagréable. La flûte, le hautbois et la clarinette, sont les membres élégants d’un corps de symphonie qui perdent trop à être détachés, et quand je les entends isolément, il me semble voir un pas de ballet dansé par une seule jambe. Enfin le flûteur ennuya et madame Scio qui le remplaça eut