— Il s’agit bien de tout cela, s’écria Gustave. Me crois-tu assez niais pour admirer ces sottises ?
— Pardon, monsieur ; mais tant de gens les achètent.
— Imbécile, lis les mots soulignés de cette page, rassemble-les, et vois si le livre qui peut transmettre de si doux sentiments n’est pas le plus intéressant du monde.
J’obéis ; et ma critique fit place à la plus juste admiration, lorsque, rassemblant tous ces mots épars, il en résulta le billet suivant :
« Ce courage dont vous murmurez succombe à l’aspect des dangers qui vous menacent. Au nom de l’amour le plus pur, le plus invincible, ménagez des jours qui ne sont plus à vous, et défendez ma vie. »
— Ô malin Amour ! m’écriai-je en me prosternant, divin génie des femmes ! toi seul peux leur fournir de semblables ruses.
— N’est-il pas vrai ? reprit Gustave d’un air triomphant ; et pourrais-je douter encore d’un sentiment qui trouve de si ingénieux moyens de s’exprimer ? Non, je ne lui ferai pas cette injure ; et ma confiance égalera ma discrétion. Je respecterai ses scrupules ; je me résignerai à tous les sacrifices qu’elle m’imposera : heureux de pouvoir lui prouver, par ma soumission, tout ce que je sens pour elle ! Mais son image me suivra en tous lieux : c’est à elle que je dédierai mes succès, et, si je meurs, j’emporterai au tombeau la douce assurance d’être pleuré par elle. Ah ! cher Victor, que l’on doit bien se battre, quand la certitude d’être aimé vous suit au champ d’honneur ; quand il faut se défendre et triompher pour deux.
— Dites pour trois, monsieur ; car votre excellente mère mérite bien une part dans vos périls et votre gloire.
— Tu as raison, répondit Gustave en rougissant : ma mère avant tout. Approche-moi cette table.
Et il se mit à écrire, pendant que j’arrangeais nos portemanteaux.
Deux heures après nous étions à cheval, escortés d’une partie des habitants de Nice, dont la moitié était venue pour