miraculeux dont il avait été témoin nous parut d’une telle exagération, que, malgré le souvenir de nos succès récents, nous doutâmes de celui-là ; mais une dépêche du général en chef nous en donna bientôt l’assurance. Je me félicitai de pouvoir réparer un peu ma faute, en apprenant le premier cette bonne nouvelle au général Verseuil. Le plaisir qu’il en ressentit dissipa presque entièrement l’impression douloureuse qu’il avait reçue la veille. À l’armée, les événements se succèdent avec tant de rapidité, qu’il n’y a pas moyen de s’affliger longtemps du même malheur. Chaque instant nous amenait des distractions différentes. Tantôt c’était la crainte d’une surprise de la part de l’ennemi ; tantôt c’était l’ordre de suivre le quartier-général dans une ville récemment conquise ; là, c’était l’inquiétude de manquer de vivres, les peines qu’il fallait prendre pour s’en procurer. Enfin, c’est au milieu de ces agitations continuelles que nous arrivâmes aux portes de Milan.
Le bruit de la victoire de Lodi avait répandu la consternation chez tous les habitants de cette ville, qui tenaient encore à la cause de l’Autriche par intérêt ou par opinion. Des prières publiques, ordonnées par le gouvernement, avaient eu lieu avec pompe dans l’église métropolitaine ; et les dames les plus distinguées par leur rang ou leur fortune avaient fait des quêtes nombreuses, destinées au soulagement des veuves des soldats morts en combattant pour la patrie. Tout cela ne nous promettait pas un accueil favorable ; mais l’archiduc et et sa famille ayant quitté la place, tout ce qui tenait à la cour les suivit à Mantoue. Cette fuite précipitée produisit l’effet ordinaire en pareilles circonstances. Ceux que leurs serments attachaient au gouvernement, se voyant abandonnés par les chefs, se crurent dispensés de mourir pour le défendre ; et ceux qui étaient en secret les partisans des principes de la Révolution, ne se trouvant plus retenus par aucun frein, se déclarèrent hautement pour le parti qui les délivrait de l’oppression. Les plus audacieux arborèrent les couleurs nationales ; le peuple suivit aussitôt cet exemple, et s’étant porté sur le cours de la porte Romaine, où le général Masséna faisait son entrée, il le reçut aux cris de :