Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/203

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ce moment. Mais, j’en appelle à votre honneur, puis-je compromettre le mien, celui de ma famille, pour un homme dont les goûts inconstants me mettraient sans cesse en rivalité avec les objets de son caprice ? Non, je ne puis être la proie que d’un sentiment exclusif, et, tout en gémissant sur votre frivolité, je sens qu’elle me sauve du malheur de vous appartenir.

Se refuser ainsi, n’est-ce pas se compromettre, et Gustave pouvait-il hésiter à tout sacrifier à cet espoir enchanteur ? Le serment de ne vivre que pour Athénaïs, dicté par elle, fut répété de l’accent le plus tendre. Un anneau d’or, détaché d’une main charmante, fut offert comme le gage d’un lien éternel. Gustave le reçut à genoux, en imprimant sur cette main chérie un baiser brûlant, puis il s’empara du mouchoir qui était encore baigné des larmes d’Athénaïs, et, le cachant dans son sein :

— Vous direz que vous l’avez perdu, dit-il en souriant. Alors ils entendirent marcher sur la terrasse qui dominait le bosquet d’orangers. Il leur sembla que quelqu’un les épiait, et ils s’empressèrent de regagner la salle de bal, où déjà plusieurs personnes s’inquiétaient de leur absence.

Le premier soin d’Athénaïs fut de rejoindre son mari dans le salon où elle l’avait laissé au milieu d’une partie d’échecs.

— Ah ! vous voilà, dit-il en l’apercevant. On prétendait que vous aviez déjà quitté la danse, et cet acte de sagesse me faisait trembler pour votre santé.

Athénaïs prétendit n’être sortie du bal que pour se reposer un moment, et se donner les moyens d’y rester le plus de temps possible.

En disant ces mots, elle prit le bras de Gustave, qui venait la chercher pour danser avec elle la piémontaise, dont on entendait déjà les accords.

Après s’être cru séparé pour jamais de la femme qui lui inspirait tant d’amour, Gustave jouissait du bonheur de l’avoir retrouvée, et s’abandonnait à toute l’ivresse qui succède aux terreurs de la jalousie. Heureux de voir ces yeux charmants, dont il venait d’essuyer les larmes, exprimer maintenant la tendresse et la joie, il ne se lassait point de les con-