crifices que leur malheur impose : pourquoi n’a-t-on pas le même respect pour la félicité qu’on parvient à leur rendre ?
XLIII
La faiblesse qui suivit sa dernière saignée plongea Stephania dans un profond assoupissement. Après l’avoir confiée aux soins de sa cousine, de cette jeune Léonore qui avait été élevée avec elle, Gustave se retira chez lui pour essayer d’y prendre quelques instants de repos. C’est alors qu’il m’apprit ce qui venait de se passer. Je tentai vainement de calmer l’agitation qu’il en éprouvait encore. Son imagination lui représentait sans cesse Stephania expirante ; et il s’écriait de l’accent le plus douloureux :
— Hélas ! on peut donc être aimé, et se trouver le plus à plaindre des hommes ! Ah ! pourquoi ai-je accepté l’amour que je ne pouvais partager ? pourquoi n’ai-je pas résisté à l’entraînement le plus coupable ? J’aurais conservé le repos et l’espoir d’un bonheur… Mais non !… l’absence m’avait rendu infidèle, la jalousie m’a rendu perfide ! Me croyant trahi, j’ai voulu m’affranchir d’une passion malheureuse en cédant à une autre. Aveuglé par mon dépit, j’ai cru ressentir tout ce que j’inspirais. Oui, j’ai consacré à l’amour tous les transports de la vengeance. Et comment Stephania aurait-elle pu soupçonner la trahison que j’ignorais moi-même ? comment, accablée de protestations, de caresses, aurait-elle deviné que mon délire n’était que de la rage ? Mais, puisqu’une funeste erreur nous a trompés tous deux, elle n’en sera pas seule victime : je jure de consacrer ma vie à l’expier ; et je renonce à tout, pour mériter et obtenir mon pardon de cette âme généreuse.
— Calmez-vous, lui disais-je, ou le repentir d’un tort involontaire va vous porter à des torts moins excusables. Songez à ce que madame de Verseuil a droit d’attendre de votre dévouement, après les assurances qu’elle a reçues hier ; et craignez d’irriter son orgueil, ou d’affliger son cœur par un