Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/215

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— Elle était un peu mieux, dit Gustave d’un ton grave.

Et la conversation n’alla pas plus loin.

Nous allions sortir des faubourgs de Milan, quand de vives acclamations nous annoncèrent l’approche de Bonaparte. Les mêmes applaudissements, les mêmes démonstrations de joie qui avaient signalé son entrée, l’accompagnèrent à la sortie des murs d’une ville où la présence de l’armée française s’était à peine fait sentir, et où il s’était efforcé de se concilier l’affection des habitants. Qui eût pu supposer que ces témoignages d’allégresse et de reconnaissance, cachaient la plus noire perfidie. Cependant nous étions à peine à Lodi, que Despinois, le commandant de Milan, vint annoncer à Bonaparte que, trois heures après son départ, on avait sonné le tocsin dans toute la Lombardie, et que les signes de la plus furieuse insurrection commençaient à se manifester de toutes parts.

Cette nouvelle fut bientôt confirmée, et d’autres plus affligeantes encore vinrent s’y joindre. Nous apprîmes que, pendant notre séjour à Milan, il s’était formé deux partis entre les habitants de cette ville. L’un, composé de la bourgeoisie et d’une grande portion du peuple, voulait la république ; l’autre, dirigé par les prêtres, les moines, les nobles, avait agi sourdement contre les protecteurs des principes nouveaux, et se croyant sûr du succès, il venait de déployer l’étendard de la révolte. Le mouvement insurrectionnel fut, pour ainsi dire, spontané dans toute la Lombardie ; ce qui prouva à Bonaparte qu’il était le résultat d’un plan combiné entre plusieurs chefs dont les plus importants étaient à Pavie. Le bruit se répandit tout à coup que le général autrichien Beaulieu avait reçu un renfort de soixante mille hommes, et que les Anglais avaient débarqué à Nice avec des forces considérables. Propagées avec toute l’exagération de l’esprit de parti, ces rumeurs achevèrent d’égarer l’opinion des Lombards ; les contributions payées avec l’argenterie des églises et des couvents, les taxes imposées aux plus riches maisons, servirent de prétexte aux prêtres pour mettre en jeu tous les ressorts de la superstition, et aux nobles pour se débarrasser de toutes les charges qui accompagnent une grande fortune. Pour mieux réussir dans leurs projets de soulèvement, chaque pro-