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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/234

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maître, lorsque Bernard, s’avançant vers le porte, me fit signe que quelqu’un me demandait. Je me lève aussitôt, Bernard me remplace, je me rends dans l’antichambre, et j’y trouve à mon grand étonnement madame de Verseuil ; elle était tremblante, et regardait sans cesse autour de nous, si personne ne venait la surprendre.

— La démarche que je fais en ce moment, me dit-elle, vous prouve assez mon inquiétude ; j’ai attendu que toute la maison fût endormie pour venir savoir la vérité ; Victor, au nom du ciel, ne me trompez pas. Qu’est-il arrivé à votre maître ? Est-il en danger ?

Je rassurai d’abord madame de Verseuil sur l’état de Gustave ; mais je ne lui cachai aucun des événements qui avaient produit sur lui une impression si douloureuse ; j’avoue même que cette circonstance me paraissant faite pour éprouver le cœur d’Athénaïs, j’appuyai beaucoup sur les consolations que son amitié seule pouvait offrir à Gustave.

— Comment oserais-je la lui témoigner encore, répondit-elle ; n’est-ce pas cette amitié qui a causé la mort de madame Rughesi ? et me pardonnera-t-il jamais d’être la cause innocente du malheur qu’il déplore ? Je le sens ; ma présence va lui devenir odieuse. Eh bien, je ne le verrai plus… Mais qu’il sache au moins par vous, bon Victor, à quel point je souffre de sa peine ; combien ses regrets m’attachent à lui. Eh ! qui ne voudrait être aussi tendrement pleurée ? ajouta-t-elle en essuyant ses yeux.

Le charme d’un intérêt si doux, l’émotion naturelle dans une semblable démarche, enfin, l’aimable imprudence qui livrait son secret à ma foi, tout fit paraître alors madame de Verseuil adorable ; je sentis qu’il n’était point de chagrin dont ne pût triompher sa langueur enchanteresse, et je la regardai comme l’ange consolateur qui devait nous rendre à la vie ; mais c’eût été compromettre sa puissance que de l’essayer en ce moment où Gustave, livré au repentir, aurait cru de son devoir de refuser toute consolation venant d’Athénaïs, et je l’engageai à me laisser choisir l’instant où je pourrais lui parler d’elle. Satisfaite de ma prudence, elle s’en remit à moi pour tous les soins à prendre à ce sujet, me remer-