l’ennemi pour vous ouvrir un passage, cet officier qui, soutenant presque à lui seul le feu de vingt batteries pour voler au secours de ses camarades, étonnait jusqu’à la valeur de nos vieux soldats !
— Eh bien, va le trouver, dit Bonaparte, à moitié gagné par les raisons et la franche éloquence de J… ; tâche d’arranger cette ridicule affaire ; prouve à Verseuil que sa femme ne mérite pas tant de regrets ; dis à Révanne que je lui défends d’avoir la moindre scène avec son ancien général ; surtout qu’ils ne se battent pas. Les voilà séparés par le fait, puisque désormais Gustave, chef de brigade, se trouvera sous les ordres de Masséna. Ainsi, rien ne les obligeant plus à se voir, qu’ils vivent en paix. Je ne veux pas, ajouta-t-il en souriant, que le caprice de cette Hélène nous coûte la vie d’un Priam ou d’un Hector.
Ce n’est que longtemps après cet entretien que J… parvint à découvrir son ami dans la grange où il reposait.
— Réveille-toi, lui dit-il en le secouant brusquement, et viens me raconter un peu ta dernière fredaine. Sais-tu bien qu’elle fait autant de bruit que la canonnade de Mantoue, et qu’elle a pensé te jouer un vilain tour ; mais, grâce au ciel, le coup est paré. Il ne s’agit plus que d’agir avec prudence, et de te justifier d’avoir enlevé une femme qui court fort bien toute seule. Dis-moi, que veux-tu faire pour apaiser ce vieux général Verseuil ?
— Je veux le tuer !
Et, en disant ces mots, Gustave se leva pour chercher son sabre.
— Es-tu fou ? lui dit J… en le retenant ; quoi ! tu veux tuer ce brave homme pour la peine de t’avoir cédé sa femme ?
— Eh ! non, reprit Gustave ; c’est pour avoir osé m’écrire qu’il me méprisait.
— Vraiment, ne prétends-tu pas qu’il t’adore ? Et que te fait le mépris dont il parle ? Empêche-t-il l’estime qu’il est forcé de t’accorder ? et un jeune homme est-il déshonoré pour profiter des bontés d’une femme galante ?
— Parle avec plus d’égard d’une femme malheureuse, qui